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 Oeuvre de deux grands historiens allemands, non-Juifs, Martin Cüppers et Klaus-Michael Mallmann, Croissant fertile et Croix gammée.

Adolf Hitler et le Mufti Al-Husseini de Jérusalem lors de leur rencontre à Berlin, en 1941.

Le IIIe Reich, les Arabes et la Pa­lestine (Éditions Verdier, 346 p, 2010) est un ouvrage rigoureux et passionnant qui offre un éclairage bienvenu sur les racines de l’actuel conflit israélo-arabe et la persistance de la propagande nazie dans les mouvements islamistes.

Au terme d’une méticuleuse enquête, ces deux historiens chevronnés, spécialistes reconnus de l’Histoire du nazime, expliquent, moult exemples et documents historiographiques à l’appui, provenant essentiellement des Archives allemandes, que le monde arabe ne s’est pas rapproché d’Adolf Hitler pour des raisons uniquement stratégiques, mais aussi pour assouvir un antisémitisme fanatique.

Ce livre a fait grand bruit lors de sa parution en Allemagne en 2006. Martin Cüppers et Klaus-Michael Mallmann montrent que des escadrons de la mort SS ont été mis sur pied au Proche-Orient, en 1942, pour exterminer, parallèlement à la Shoah mise en oeuvre dans les pays européens, les quelque 500000 Juifs vivant à cette époque en Palestine. Ce projet macabre allait être exécuté avec l’approbation des pays arabes et du Grand Mufti de Jérusalem, Al-Husseini. Le projet capota à cause de la débâcle subie par les troupes allemandes à El-Alamein.

Ce remarquable travail de recherche et de synthèse accompli par les deux historiens allemands comble un grand vide historiographique. En effet, il n’existait à ce jour aucune étude globale retraçant l’évolution des relations germano-arabes entre 1933 et 1945, et portant un regard critique sur les positions idéologiques communes et les actions stratégiques concertées des dirigeants du IIIe Reich et des leaders du monde arabe durant le Deuxième conflit mondial.

La politique étrangère allemande soutient indirectement les nationalistes arabes, qui découvrent chez les nazis des alliés susceptibles d’appuyer leur combat d’émancipation du joug britannique -la Grande-Bretagne avait reçu le mandat de gouverner la Palestine.

Martin Cüppers et Klaus-Michael Mallmann rappellent que l’alliance stratégique coriace scellée entre les nazis et les leaders arabes puise son fondement dans des connivences idéologiques. À partir de 1938, plusieurs articles de presse parus en Égypte, en Syrie et en Libye comparent Adolf Hitler au prophète Mahomet. Durant toute la guerre, le leader des Arabes de Palestine, Al-Husseini, Grand Mufti de Jérusalem, soutient inconditionnellement les dirigeants nazis. Pour justifier ses positions politiques et idéologiques, cet imam intempestif et foncièrement antisémite se réfère sans ambages aux Protocoles des Sages de Sion, un faux docu­ment forgé en Russie par la police du Tsar pour légitimer les pogroms antisémites.

Ce livre d’Histoire très éclairant ­explique pourquoi les thèses martelées par la propagande nazie occupent une place majeure dans les credos politiques et idéologiques des mouvements islamistes musulmans. Ce n’est pas étonnant que le bréviaire de la haine nazi, Mein Kampf, fasse un tabac dans les pays arabo-musulmans en ce début du XXIe siècle. En effet, Mein Kampf se retrouve aujourd’hui dans les devantures des librairies du Caire, de Damas, d’Amman, de Casablanca, d’Alger… -c’est ce que rapporte le journaliste d’investigation français Antoine Vitkine dans son excellent livre-enquête Mein Kampf. Histoire d’un livre (Éditions Flammarion, 2009).

D’entrée de jeu, les deux historiens tiennent à préciser que leur propos n’est pas “de discréditer l’islam en tant qu’une des grandes religions du monde ni de soupçonner l’ensemble des Arabes de collaboration avec le nazisme”.

“Il est hors de tout doute que l’islam a également produit dans la première moitié du XXe siècle des courants réformateurs, qu’il y a eu au sein du monde arabe des forces politiques qui aspiraient à un État civilisé et qui étaient parfaitement convaincues de la nécessité de s’entendre avec les Juifs de Palestine ou avec l’Occident. Si de tels phénomènes ne peuvent prendre une place prépondérante dans notre ouvrage, c’est que par rapport aux forces politiques adverses, plutôt tournées vers le nazisme -qui est le véritable objet de nos recherches-, ils n’eurent malheureusement pas l’impact qu’on aurait sou­haité”, expliquent Martin Cüppers et Klaus-Michael Mallmann dans la préface de leur livre.

Les recherches historiographiques effectuées par les deux auteurs montrent que les Allemands, pendant le nazisme, ont essayé beaucoup plus concrètement qu’on ne le pensait jusqu’à alors d’exter­mi­ner physiquement les Juifs de Palestine et de rendre à jamais impossible la création d’un État juif par le Yichouv. Ces recherches inédites s’appuient sur de nombreux documents, dénichés dans les Archives allemandes, attestant que cette entreprise d’annihilation des Juifs de Palestine a reçu de la part des Arabes un soutien actif et important.

L’Allemagne nazie et des parties importantes du monde arabe considéraient qu’elles menaient un combat contre l’Angleterre “impérialiste”, dont les Juifs auraient été les principaux “ressorts” et “complices”.

Cet excellent ouvrage historique nous rappelle avec force que le passé permet plus que jamais d’éclairer le présent.


In their recent book, German historians Martin Cüppers et Klaus-Michael Mallmann talk about Arab collaboration with the Nazis during World War II.