En tant qu'individu, Anat Kam n'est personne. Mais en tant que syndrome d'une gangrène politique qui s'attaque aux démocraties, son nom résume tout. Un Etat en péril comme Israël n'a guère le loisir de prêter attention à cette introspection narcissique pseudo-intellectuelle. Mais il faut souligner que la pathologie Kam ne menace pas seulement l'Etat hébreu. La soldate est devenue l'emblème de la presse de gauche "politiquement correcte". Un phénomène de récupération qui se vérifie dans toutes les démocraties, à ceci près que les mauvaises herbes de la gauche sont plus envahissantes en Israël. Les faiseurs d'opinion règnent ici sans partage. Après tout, les journalistes ont leur part de responsabilité dans le scandale Anat Kam et ils veulent aujourd'hui sauver leur peau.

Malgré son sourire enjôleur, Anat Kam n’est pas Loïs Lane.

Photo: Ido Kinan , JPost

Pour y parvenir, ils entendent réécrire l'histoire : Anat Kam ne serait en réalité qu'une jeune journaliste en herbe altruiste, fantassin d'une désespéré(ant)e lutte pour la liberté d'expression. Un récit à dormir debout. Il faudrait être particulièrement crédule pour voir en Kam la Jeanne d'Arc de l'éthique journalistique. Si les choses tournent mal pour elle, l'ancienne soldate pourra toujours servir le café dans les journaux à scandale. Car l'affaire est mal partie. Difficile, en effet, d'imaginer une étudiante de 23 ans en philosophie endosser le costume du journaliste d'investigation.

Anat Kam n'est pas "Loïs Lane"

Même si l'on y parvenait, le problème est ailleurs : Anat Kam a enfreint la loi. Jeune conscrite, elle n'a pas hésité à copier plus de 2 200 documents des bureaux du Commandement central, cachant habilement son butin jusqu'à la fin de son service en 2007. Kam a donc eu le loisir de réfléchir à son geste avant de passer à l'acte et livrer son trésor au journaliste de Haaretz. Aujourd'hui, sa posture d'héroïne à la "Loïs Lane" (l'acolyte de Superman) ne trompe personne et ne peut justifier rétroactivement son larcin. Kam n'a pas fait dans la dentelle. Elle a littéralement vidé l'ordinateur de son supérieur.

Elle ne s'est pas concentrée sur un sujet en particulier. Elle l'a reconnu par la suite : elle a pris tout ce qui lui tombait sous la main. Et par ce simple geste, elle a brisé son serment de soldat. C'est ironique aujourd'hui mais comme toute nouvelle recrue, Anat Kam avait juré de "se montrer loyale à l'Etat d'Israël, ses lois et son gouvernement, d'accepter sans condition ni réserve la discipline de Tsahal, d'obéir à tous les ordres et instructions de ses supérieurs, de dévouer toute son énergie, jusqu'à sacrifier sa vie, à la défense d'Israël".

Non seulement Kam a fait un bras d'honneur à toutes les conditions énoncées plus haut, mais notre pom-pom girl n'en est pas restée là : elle ose expliquer aujourd'hui qu'elle a trahi sa patrie par conviction et qu'elle sait mieux que quiconque ce qui est mieux pour notre pays. Quel toupet ! Au contraire, nous pourrions dire adieu à notre rêve israélien si tous les soldats se mettaient à dépasser les limites comme elle. Si chaque jeune en treillis décidait qu'il a le pouvoir de déterminer lui-même la politique israélienne, Tsahal n'aurait plus qu'à pointer au chômage. Anat Kam est le cauchemar de toute hiérarchie militaire et le rêve des anarchistes du monde entier : déstabiliser et même abolir toute forme d'autorité. A cette fin, Kam a remporté une glorieuse victoire en bafouant les secrets militaires les plus gardés d'Israël.

Les murs ont des oreilles

La défense d'Anat Kam tente de minimiser son geste en montrant que l'ancienne soldate n'a pas transmis d'informations à l'ennemi mais à des journalistes - Ouri Blau et ses complices du Haaretz. Mais finalement, le destinataire importe peu. Elle a transmis des documents lesquels, de toute façon, n'auraient jamais dû atterrir entre d'autres mains que celles de l'armée. Certains, comme des plans de bataille, ont un pouvoir de nuisance diabolique contre Israël. Surtout qu'après Blau, les documents auraient pu errer dans la nature.

L'espionnage répond à une définition stricte : c'est le fait d'obtenir des informations sans la permission de ses propriétaires. Que ces secrets aient été révélés au journaliste Ouri Blau, plutôt qu'à l'espion du Hamas, le mal est fait. La circulation d'informations classées top-secret peut provoquer d'immenses dégâts. C'est pour cette raison que la marine américaine avait adopté ce slogan durant la Seconde Guerre mondiale : "Une langue trop bien pendue peut couler un navire" ou plus prosaïquement "les murs ont des oreilles". Et les dégâts n'en sont pas moins grands, même si la trahison a été menée au nom d'une soi-disant noble cause. Anat Kam a trahi la confiance qui avait été placée en elle, elle a rendu publics des secrets qui sont susceptibles d'aider les ennemis d'Israël à le détruire. Pour cela, elle doit payer. Et le prix fort. Et ce, dans n'importe quelle démocratie, même celles qui nous font aujourd'hui la morale en nous comparant à la Corée du Nord ou à l'Iran.

Aucune armée au monde n'aurait cautionné ne serait-ce qu'une petite partie de ce que Kam a fait à Israël. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder du côté de Jonathan Pollard aux Etats-Unis alors que l'espion israélien n'a jamais mis les vies des citoyens américains en danger. Ainsi, le simple fait de présenter Kam comme une altruiste est tout simplement une insulte.

Jonathan Pollard n'a pas eu la chance de Kam

Quelques-unes des plus grandes offenses ont été motivées par de supposées croyances politiques. Le fameux groupe des cinq de Cambridge - Kim Philby, Donald Maclean, Guy Burgess, Anthony Blunt - des transfuges du KGB soviétique infiltrés dans les services secrets britanniques, étaient eux aussi nourris par l'idéologie. Tout comme certains de nos concitoyens, comme Mordechaï Vanunu et le mystérieux Israël Beer. Son apparence de petite-fille modèle ne fait pas de Kam une innocente.

Tout comme le look anticonformiste de Blau n'excuse pas la détention de matériaux illicites. Les tentatives du Haaretz pour dépeindre le journaliste comme un martyr de la défense de la confidentialité des sources sont tout à fait grotesques. En effet, sans l'ego surdimensionné et les maladresses de Blau, jamais Kam n'aurait été démasquée. Plutôt que de protéger ces informations ultra-sensibles, Haaretz les a publiées en première page. Une fois la boîte de Pandore ouverte, que reste-t-il ? Une soldate insolente qui se considère au-dessus des lois. Elle a peut-être été dupée par une presse peu scrupuleuse, mais son crime n'a rien à voir avec la défense de la liberté de la presse. Nous devrions nous mettre à réfléchir attentivement aux valeurs qui régissent nos médias. Les champions de la trahison sont aussi ceux qui dénoncent les réticences de certains soldats à déraciner leurs frères dans les implantations.

Obéir aux ordres devient alors l'alpha et l'omega. Pourtant, ils trouvent admirables les opérations de sabotage à la mode Anat Kam.

Si l'ancienne soldate avait été une adolescente des "collines" prise en pleine manifestation, elle aurait été tabassée, emprisonnée et diabolisée. A l'opposé, Anat Kam vit aujourd'hui en résidence surveillée et continue d'être chouchoutée par les médias. Cette affaire dépasse la question de la loyauté envers Israël. La droite préférerait concentrer toutes ses forces à renforcer l'Etat hébreu plutôt que de combattre d'autres Juifs. Ce n'est visiblement pas le programme de Kam et de ses amis.