BDS. Trois lettres agitées en 2005 par un mouvement palestinien bien décidé à mettre en place un embargo culturel et universitaire sur Israël. Au programme : boycott, désinvestissements et sanctions.

 

Pour beaucoup, il s'agit là du point de départ d'une campagne mondiale de boycott anti-israélien. Mais cette "stratégie d'apartheid" trouve racine en amont, en 2001, lors de cette rencontre d'organisations non gouvernementales, bien connue depuis comme le sommet "contre le racisme" de Durban I. A l'époque, les participants avaient tenté de présenter Israël comme un Etat paria, à l'image de l'Afrique du Sud et sa tristement célèbre politique d'apartheid.

Cette controverse sur la date de lancement du mouvement a deux objectifs : faire d'un mouvement initié par des ONG arabes et occidentales une initiative de la société civile palestinienne et passer sous silence la série d'échecs qu'a connus le mouvement entre 2001 et 2006.

Premier coup d'éclat du mouvement BDS : attirer l'attention des médias en lançant une campagne de pétition sur les campus américains. Un succès en termes d'exposition médiatique, mais aucun résultat concret. Les administrations visées ont au contraire condamné la campagne et des contre pétitions ont recueilli bien davantage de signatures. Seule entité à avoir fait écho à cet élan anti-israélien : l'église presbytérienne américaine qui, en 2004, avait commencé à se prononcer pour une campagne "sélective de désinvestissement".

Entre 2004 et 2006, avec les presbytériens pour soutien, le mouvement se tourne alors vers les églises, les municipalités, les syndicats et autres institutions. Mais là encore, la campagne est un échec, couronné par la décision de l'Eglise presbytérienne, en 2006, de revenir sur sa politique de désinvestissement vis-à-vis des sociétés en lien avec Israël.

Beaucoup de bruit pour rien

Pour ne pas que leur mouvement s'essouffle, les activistes affirment alors que le comportement d'Israël pourrait relancer la campagne de boycott à tout moment. Mais ni la seconde guerre du Liban, ni les blocages du processus de paix n'ont réussi à ranimer l'impulsion. Il a fallu attendre l'opération "Plomb durci" pour que la campagne de boycott refasse surface avec l'annonce, en 2009, du Hampshire Collège. Cette petite école d'art du Massachussetts décidait de cesser toute relation avec l'Etat hébreu.

Cependant l'affaire s'est vite avérée être une intox, tout comme un certain nombre d'annonces similaires de la part d'entreprises qui entretenaient des relations commerciales avec Israël. A chaque fois, le mouvement BDS disait être à l'origine du changement de politique de ces entreprises. Mais ces dernières ont toutes démenti par la suite avoir un quelconque lien avec la campagne des activistes anti-Israël.

Utiliser de petites victoires pour créer un élan politique : la stratégie est honorable, cependant, l'utilisation d'annonces truquées n'a engendré qu'une perte de crédibilité pour le mouvement, qui après près de dix ans d'existence n'a obtenu quasiment aucun résultat.

Cette décennie d'échecs, dont une année de fraude, a fermé beaucoup de portes au mouvement.

Le désinvestissement n'a jamais menacé l'économie israélienne. C'est simplement une tentative de faire dire à des institutions respectables, telles que des universités, des villes ou des églises, qu'Israël est un Etat qui pratique l'apartheid et mérite, à ce titre, d'être puni économiquement.

Face à des institutions, telles que les campus et les églises, de plus en plus réticentes au message véhiculé par les activistes, le mouvement se réoriente en 2010 vers des cibles plus faciles comme la chaîne de restaurants Davis Food en Californie. L'occasion, espère-t-il, d'imposer le boycott de produits israéliens à grande échelle.

Malheureusement pour les activistes, les restaurants Davis n'ont pas été une cible aussi facile qu'ils l'espéraient.

Le directeur de la chaîne de fast-food a rejeté toute idée de boycott dans un communiqué non équivoque, affirmant qu'accepter la demande des militants anti-Israël serait approuver leur vision politique et historique du Moyen-Orient, aller à l'encontre du mode de prise de décision au sein du groupe, et représenterait une violation des principes sur lesquels a été fondée l'entreprise.

La décision des restaurants Davis a constitué un précédent pour d'autres chaînes similaires qui l'ont suivie dans le rejet du boycott d'Israël. Plus encore, ce genre de campagnes, qui supposent de dire aux gens ce qu'ils peuvent acheter ou non, se sont montrées contre- productives. Pour preuve, au Canada, elles s'étaient traduites par une augmentation spectaculaire des ventes de produits israéliens.

Le mouvement BDS a alors changé son fusil d'épaule. Nouvelle cible de ses actions : les assemblées étudiantes, libres de s'exprimer sur les choix politiques de leur université. Direction la Californie, où un certain nombre de facultés avaient déjà fait des déclarations en ce sens.

A l'université de Berkeley ou de San Diego par exemple, les assemblées étudiantes ont organisé des débats, faisant intervenir des activistes du mouvement qui se sont livrés à des discours fleuves, lors de réunions qui duraient parfois toute la nuit. Mais même dans les endroits que les activistes anti-Israël pensaient avoir acquis à leur cause, comme Berkeley, aucune mesure concrète n'a abouti. Ce qui fait dire à Hussein Ibish, Palestinien, que même si dans les forteresses du radicalisme américain, la campagne n'aboutit pas, alors où pourrait-elle connaître un quelconque succès ?

Un mouvement contre-productif

Mis à part dans quelques établissements, comme Wayne state dans le Michigan (qui regroupe l'une des plus grandes communautés d'étudiants musulmans), le mouvement anti-Israël semble entrer dans sa deuxième décennie avec bien peu de succès à son actif, si ce n'est le soutien de quelques organisations douteuses et de célébrités vieillissantes. Car la nouvelle stratégie des activistes consiste dorénavant à trouver des porte-parole à leur action.

 

En 2009-2010, on a pu constater une augmentation du nombre de perturbations lors d'événements culturels qui impliquaient des artistes israéliens. Les chanteurs ou danseurs de l'Etat juif doivent maintenant prendre en compte le fait que leurs représentations ont de grandes chances d'être source de tensions, de menaces, voire d'annulation, de la même manière que les interventions d'intellectuels israéliens dans les universités le sont depuis des années. Des artistes comme Paul McCartney, Leonard Cohen, Gil Scott-Heron, Elvis Costello, les Pixies, Elton John ou Rod Stewart ont également dû prendre ce risque de voir annuler les dates israéliennes de leurs tournées.


Au final, durant la décennie pendant laquelle le mouvement de boycott s'est développé, la prospérité de l'économie israélienne a doublé et la popularité d'Israël aux Etats-Unis a gagnéComme l'opération Plomb durci à Gaza en 2008-2009, l'affaire de la flottille a fourni aux activistes anti-Israël une nouvelle occasion de lancer des appels au boycott. Mais les actions sont restées marginales : une équipe turque et une équipe suédoise de football qui refusent d'aller jouer en Israël, un appel au boycott en Norvège ou un autre demandant l'exclusion d'Israël de l'OCDE.

20 points. Le comportement bizarre et bruyant des partisans du boycott d'Israël ne représente guère plus qu'une tentative qui s'échine à prouver la pertinence politique d'une campagne qui n'a jamais décollé.

Les militants pro-Israël peuvent se rassurer : leurs succès sont plus nombreux que ceux des activistes partisans du boycott. Mais nous devons continuer à lutter contre ce genre de campagne, le combat n'est pas terminé.