La France politiquement correcte a adoré les films de Michael Moore. Tout particulièrement « Fahrenheit 9/11 ». Même si nul ne conteste plus que le « cinéaste » a eu recours à la falsification et au mensonge, on vous répondra, comme l’a fait un commentateur lors d’un bref échange que nous avons eu voici quelques mois sur l’antenne d’une grande station de radio, que mentir pour la bonne cause est une action tout à fait excusable, voire digne de louanges. Je n’irai pas jusqu’à dire que le fait que Michael Moore ait écrit des pages antisémites ne le dessert pas du tout, mais je dois le dire : je le pense.

Il est un autre cinéaste que la même France apprécie beaucoup : Oliver Stone. Après des films ouvertement marxistes et férocement haineux envers les Etats-Unis, il semblait s’être assagi en réalisant « World Trade Center », film émouvant et tout à fait acceptable sur des sauveteurs se retrouvant pris dans les décombres de l’effondrement des tours jumelles le 11 septembre 2001 ; puis une biographie de George W. Bush, intitulée « W », dont je pensais devoir attendre le pire et qui s’est révélée plutôt gentille pour celui qui fut, pendant sa présidence, l’homme le plus détesté de la terre, loin devant Ben Laden. Mais Stone n’est pas homme, semble-t-il, à se laisser glisser doucement vers le confort et les bons sentiments. En cette seule année, il a réalisé une suite à son pamphlet caricatural « Wall Street », intitulée « Wall Street, Money Never Sleeps » [l’argent ne dort jamais] qui devrait sortir bientôt en salles et ravir tous ceux qui communient dans la haine de l’argent, dans la détestation de la finance, et dans l’anticapitalisme viscéral.

Cela ne suffisant pas à refaire sa réputation, il a aussi produit un documentaire, déjà sorti aux Etats-Unis, et qui devrait sortir prochainement en France, appelé « South of the Border » (Au sud de la frontière], où les nostalgiques du Stone marxiste trouveront de quoi satisfaire leurs appétits et défouler leur frustration. Le sujet est le caudillo Sud Américain, Hugo Chavez, dépeint comme un saint homme, ami des pauvres, empreint d’une générosité sans bornes, en proie à l’hostilité sans bornes de l’odieuse puissance impérialiste située au Nord, et où Stone a le courage extraordinaire de résider et de gagner sa vie de résistant en prenant, de temps à autre, un peu de repos au bord de sa piscine dans l’horrible quartier de Beverly Hills. Outre Hugo Chavez, on retrouve, au fil des séquences, d’autres personnages très sympathiques et extrêmement épris de liberté, Evo Morales, dirigeant du mouvement des planteurs de coca, la plante dont on tire la cocaïne, et président gauchiste de la Bolivie, Rafael Correa, président gauchiste de l’Equateur, Lula da Silva, Président très à gauche du Brésil, et, bien sûr, Raul Castro, dictateur en exercice de Cuba et successeur de son frère Fidel, à qui Stone avait consacré deux documentaires élogieux en 2004.

Ronald Radosh, auteur de nombreux livres courageux et scrupuleux a écrit, au moment de la sortie de South of the Border aux Etats-Unis, tout ce qu’il y a à en dire : «C’est un ‘narratif’ d’extrême gauche qui fait partie d’une longue lignée de films de propagande totalitaire, une version américaine de la vieille agitprop soviétique, Il n’y a pas une seule voix discordante dans le film. Et aucune mention du fait que Mr Chavez a fait fermer les stations de radio et de télévision vénézueliennes qui ne lui convenaient pas, et fait arrêter les dirigeants politiques qui étaient en désaccord avec lui ».

Stone, qui veut décidément, semble-t-il, laisser une trace marquante, travaille à une série documentaire appelée « Oliver Stone's Secret History of America », L’histoire secrète des Etats-Unis vue par Oliver Stone. Son objectif, non dissimulé, est de traîner un peu davantage dans la fange non pas seulement quelques épisodes de l’histoire de son pays, mais l’intégralité de celle-ci. On apprend qu’y seront réhabilités des personnages aussi nobles que Staline, Mao, et, bien sûr, le trop mal aimé Adolf Hitler. Je ne doute pas qu’une chaîne française saura acquérir les droits de diffusion de la série. Je ne doute pas non plus que certains lui trouveront des qualités et écriront qu’elle donne à réfléchir.

Oliver Stone a rencontré, au cours de ses récents voyages, le gentil Mahmoud Ahmadinejad, qui a dû lui donner des conseils sur la façon de lire Mein Kampf.

Expliquant pourquoi on parlait encore tant de la shoah, Stone, dans un entretien accordé au Times, de Londres, expliquait que cela venait de « la domination juive sur les médias », et ajoutait avec délicatesse : « Israël a ‘foutu la merde’ dans la politique étrangère américaine depuis des années ». Revenant à ce qui semble être devenu son penseur favori, il précisait : « Hitler est un bouc émissaire trop facilement utilisé ». Yuli-Yoel Edelstein, ministre des affaires de la diaspora en Israël a dit, à juste titre à mes yeux, que ces remarques étaient « antisémites ». Stone répondra vraisemblablement qu’il n’est pas plus antisémite que son confrère Moore, qu’il déteste surtout Israël ("l’entité sioniste", comme ils disent), et que les seuls juifs qu’il n’aime pas sont ceux qui soutiennent Israël, qui se souviennent de la shoah, et qui n’ont aucune sympathie et pas la moindre compassion pour Adolf Hitler.

Je crains que ce genre d’explication finisse par devenir acceptable en France. Michael Moore peut être antisémite de la façon qui convient en France aujourd’hui : c’est un antisémite d’extrême gauche. Stone entre dans la même catégorie.

Des gens comme moi, par contre, reçoivent souvent, bien sûr, le qualificatif d’extrême droite. La dernière fois, cela est venu d’un certain Yves Scheller, un homme qui semble très cultivé : la preuve, il apprécie ce que Régis Debray écrit d’Israël et, dès qu’on le contredit, parle, avec une rare élégance de « diarrhée ». En attendant qu’Yves Scheller refasse ses provisions de dragées Fuca, à son intention et à celle de ses semblables, je dirai : oui, des gens comme Michael Moore et Oliver Stone ne sont pas d’extrême droite ; la preuve, ils ont quelques amis juifs anti-israéliens et ne pratiquent l’antisémitisme que vis-à-vis de tous les autres juifs. Ils trouvent Ahmadinejad très fréquentable, Moore avait un penchant visible pour Saddam Hussein, et Stone aime bien Hitler. Moi, et c’est ce qui montre que des gens comme moi sont d’extrême droite, je n’admets aucune forme d’antisémitisme, je n’ai aucune sympathie pour Ahmadinejad, je n’en ai jamais eu aucune pour Saddam Hussein, et j’ai une aversion sans limites pour Adolf Hitler. CQFD.