(Beyrouth) Pour la première fois depuis la guerre de l'été 2006, des affrontements entre soldats libanais et israéliens ont fait plusieurs morts à la frontière entre les deux pays. Si les versions sur les causes des attaques divergeaient encore hier soir, une reprise de la guerre serait toutefois exclue, selon notre collaborateur sur place.

Trois Libanais - deux soldats et un journaliste - ainsi qu'un officier israélien sont décédés dans des combats à l'arme automatique et à la roquette hier, en début d'après-midi, à la frontière entre les deux pays.

 

 

 

 

Les versions sur les causes de l'affrontement divergent, chacun accusant l'autre d'avoir provoqué les attaques.

 

Des responsables de l'armée libanaise ont indiqué que des soldats de l'armée israélienne avaient déraciné un arbre qui gênait des caméras de surveillance, du côté libanais de la frontière, près du village d'Adaisseh. Des soldats libanais auraient alors effectué des tirs de sommation, suivis d'une riposte israélienne, avec des obus de char.

 

L'armée israélienne a quant à elle affirmé que des soldats libanais avaient tiré sur une position israélienne, dans une zone où elle effectuait des «travaux d'entretien de routine en coopération avec la Force intérimaire des Nations unies au Liban (FINUL)» et qu'elle n'avait fait que répondre aux tirs.

 

La zone où ont eu lieu les affrontements est sous le commandement indonésien de la FINUL, mais celle-ci ne s'est pas interposée, se contentant de rétablir le calme entre les parties après les échanges de tirs.

 

En fin de soirée, aucun mouvement n'était à signaler dans la zone des affrontements.

 

Un endroit stratégique

 

Le village libanais d'Adaisseh est stratégique, dans la mesure où il se situe presque en face de la ville israélienne de Kiriat Chemona, à portée de tir des roquettes du Hezbollah. Il donne également sur la vallée de Saluki, au sud du fleuve Litani, une zone où avaient eu lieu de violents affrontements pendant la guerre de 2006.

 

L'armée israélienne avait tenté de prendre le contrôle de cette région afin de couper le transfert des armes du Hezbollah au sud du fleuve. Toutefois, même si le lieu des affrontements n'est pas anodin, rien n'indique que les deux parties aient voulu qu'ils dégénèrent à ce point.

 

«Les Israéliens et les Libanais ont presque aussitôt porté plainte à l'ONU et n'ont pas poursuivi les combats sur le terrain. Cela indique leur volonté de régler cette question par la voie diplomatique et non militaire», explique Elias Hanna, ancien général de l'armée libanaise et analyste politique.

 

«Ces incidents n'auront pas de conséquences graves, car l'armée libanaise n'a pas les moyens d'une guerre contre Israël et dispose du soutien de la communauté internationale», explique Paul Salem, directeur du centre Carnegie pour le Moyen-Orient.

 

«La situation aurait pu être dangereuse si le Hezbollah avait été impliqué, mais ce n'est pas le cas. Ce dernier, comme l'armée israélienne, souhaite conserver le statu quo.»

 

Dans un discours diffusé sur grand écran devant des milliers de ses partisans rassemblés dans la banlieue sud hier soir, le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a indiqué ne pas vouloir s'interposer dans les affrontements, de peur qu'on l'accuse de vouloir torpiller, en lançant une guerre, les résultats de l'enquête du Tribunal spécial sur le Liban. L'acte d'accusation du TSL devrait être publié entre septembre et décembre. Hassan Nasrallah a toutefois affirmé être prêt à «apporter son aide» à l'armée libanaise.

 

Guerre psychologique

 

Les tensions risquent cependant de rester fortes pendant plusieurs mois. Cet épisode intervient en effet dans un contexte de guerre psychologique entre Israël et ses voisins: au printemps, le président israélien avait accusé la Syrie de fournir des missiles scuds au Hezbollah, menaçant le Liban d'une guerre totale. Les Libanais ont affirmé de leur côté avoir arrêté plus de 70 espions israéliens, notamment d'anciens officiers de l'armée libanaise.

 

«Si une guerre est envisageable, ce ne sera pas avant l'année prochaine, tempère Elias Hanna. Il faut laisser aux sanctions de l'ONU contre l'Iran le temps de faire leur effet, soit au moins sept ou huit mois. Israël ne veut pas se mettre à dos l'administration Obama et recommencer les erreurs d'une guerre improvisée, qui ne réponde pas à des motivations politiques.»