Avant même leur commencement, formel hier soir et concret ce soir, les négociations directes entre Israéliens et Palestiniens, interrompues depuis la fin 2008, ont été mises à mal par un attentat palestinien, dans lequel quatre colons israéliens ont été tués, mardi, près d’Hébron. L’attaque, la plus grave depuis plusieurs mois en Cisjordanie occupée, a été revendiquée par la branche armée du Hamas, qui contrôle la bande de Gaza et s’est déclaré opposé à ces pourparlers de paix. Le président américain, Barack Obama, a condamné ce «massacre absurde» en prélude au dîner qu’il donnait hier soir à la Maison Blanche. Etaient conviés l’Israélien Benyamin Nétanyahou et le Palestinien Mahmoud Abbas, bien sûr, mais aussi l’Egyptien Hosni Moubarak, le Jordanien Abdallah II et Tony Blair, le représentant du Quartette. Que faut-il attendre de ce round de négociations, qui intervient après une longue litanie d’échecs et dans un contexte très volatil ?

l’objectif des négociations

Le but est simple et clair : l’établissement d’un Etat palestinien d’ici un an. Les optimistes font remarquer que même Nétanyahou, farouchement opposé à l’idée d’un Etat pour les Palestiniens, a fini par s’y rallier il y a un an. Et que le leader du gouvernement le plus à droite qu’ait connu Israël est aussi le premier à avoir décrété un moratoire sur la construction dans les colonies de Cisjordanie, à l’exclusion de Jérusalem-Est, des programmes engagés et des bâtiments publics. Côté palestinien, le Premier ministre, Salam Fayyad, a posé, avec l’aide de la communauté internationale, les bases solides d’un futur Etat : construction d’infrastructures, dynamisation de l’économie, réformes de la justice et des forces de sécurité… Tout a été fait pour rassurer les bailleurs de fonds et Israël.

Mais ces avancées ne doivent pas masquer la difficulté. Les discussions doivent, en effet, porter sur les sujets qui fâchent : statut de Jérusalem, frontières de la future Palestine, sort des réfugiés palestiniens et des colonies israéliennes, etc. Tout le monde connaît les contours d’un accord «acceptable», établis par les multiples sessions précédentes, de Camp David, en 2000, à Annapolis, en 2007-2008 : la restitution de 95% de la Cisjordanie aux Palestiniens, l’échange de territoires israéliens contre les grands blocs de colonisation, la reconnaissance du droit au retour sans retour automatique pour les réfugiés, le partage de Jérusalem… Mais ce n’est pas pour autant qu’un accord est à portée de main. D’autant que les deux parties concernées ont tenté d’imposer des préconditions que les Etats-Unis ont refusées. Israël a demandé que les Palestiniens reconnaissent le caractère juif de l’Etat hébreu, qu’ils s’engagent à ne lancer aucune attaque et à abandonner toute revendication ultérieure à un éventuel accord. Les Palestiniens réclamaient l’arrêt de la colonisation, la prise en compte des négociations passées, dont celles menées en 2008 par le gouvernement d’Ehud Olmert, et la mise noir sur blanc des objectifs finaux des négociations, à savoir un Etat palestinien dans les frontières de 1967, avec Jérusalem pour capitale, et le droit au retour des réfugiés.

Des chances de succès ?

Elles sont faibles, à l’évidence. Tous les acteurs du processus lancé aujourd’hui à Washington sont dans un état de faiblesse tel qu’il augure mal de leur capacité à négocier un accord et à le faire accepter à leurs peuples respectifs. Benyamin Nétanyahou n’est venu à la table des négociations que contraint et forcé par les pressions américaines et une série de bévues, dont la dernière en date est l’attaque de la flottille humanitaire pour Gaza, qui n’ont fait qu’affaiblir Israël. Mahmoud Abbas est en posture encore plus délicate. Il ne contrôle pas la moitié de son territoire, la bande de Gaza étant désormais le fief de ses rivaux islamistes du Hamas. Son mandat a expiré il y a plus d’un an et demi sans qu’on sache quand des élections se tiendront dans les Territoires palestiniens. Même le médiateur américain n’est pas en position d’effectuer des pressions sur les parties en cas de blocage : Barack Obama, qui se prépare à de difficiles élections au Congrès en novembre, est accaparé par la crise économique. Il n’a jamais obtenu d’Israël le gel total et complet de la colonisation, initialement exigé comme préalable. Au contraire, Nétanyahou a répété, il y a quelques jours encore, que la colonisation reprendrait le 26 septembre, terme du moratoire qu’il avait annoncé en janvier. Il est approuvé par deux tiers des Israéliens selon un sondage publié hier par une chaîne de télévision privée. Dans ce cas, les Palestiniens, soutenus par la Ligue arabe, ont d’ores et déjà prévenu qu’ils quitteraient la table des négociations.

Les ennemis d’un accord sont nombreux et puissants. Ils vont des colons israéliens, piliers de la coalition gouvernementale au pouvoir, au Hamas et à ses soutiens, l’Iran d’Ahmadinejad et le Hezbollah libanais. Les attentats, comme celui de mardi, risquent de se multiplier, sans compter les possibles actions violentes de groupes de colons extrémistes plus mobilisés que jamais. Si le moratoire sur la colonisation est reconduit, ils feront tout pour faire tomber la coalition gouvernementale. Laquelle est déjà divisée : hier, le ministre (travailliste) de la Défense s’est prononcé pour un partage de Jérusalem, à l’opposé de Nétanyahou qui milite pour une «capitale indivisible».

Surtout, la question iranienne, qui est la vraie priorité des Etats-Unis dans la région, risque de mobiliser l’attention et les efforts de l’administration Obama, probablement le président américain le plus favorable aux Palestiniens. En cas de nouvel échec, ces derniers pourraient être tentés de proclamer unilatéralement un Etat. C’est en tout cas la menace brandie par Mahmoud Abbas. Pour Barack Obama, ce serait un casse-tête de plus, et un échec aussi.