Introduction

La mise en place d’une force de maintien de la paix est largement acceptée comme une partie essentielle dans tout accord  de paix israélo-palestinien. Le règlement du statut final proposé par l’administration Clinton a spécifié « les arrangements de sécurité qui seraient convenus autour d’une présence internationale. » En débattant les questions sécuritaires, le diplomate américain Dennis Ross, l’un des négociateurs de l’accord intérimaire signé en 1995 en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, et du protocole relatif au redéploiement de la ville d'Hébron en 1997, a affirmé que :" la clé du problème réside dans une présence internationale qui ne peut être conclue que par un accord élaboré par les deux partis."

 

Parmi les initiatives non-gouvernementales recommandant la présence de forces pour le maintien de la paix, on note les « Accords de Genève » ainsi que la Déclaration bipartite sur le maintien américain pour la paix au Proche-Orient  intitulée " dernière chance pour la signature d'un accord israélo-palestinien selon la formule de deux Etats". Ce document a été rédigé et signé par dix anciens hauts-fonctionnaires américains et a été présenté à l’administration du président Barack Obama ("la Déclaration bipartite").

 

Bien que la nécessité d’une force de maintien de la paix semble bénéficier d’un soutien considérable, il convient de noter que la « Feuille de route » proposée en 2003, par le Quartet, voire: les Etats-Unis, l’Union européenne, la Russie, et les Nations Unies, ne suggère guère la participation  de forces de maintien de la paix, mais envisage un mécanisme de surveillance pour ses phases intermédiaires. De même « l’Initiative de paix arabe » lancée en 2002 ne comprend aucune allusion aux forces de maintien de la paix.

 

Cependant et bizarrement, deux anciens conseillers américains pour la Sécurité nationale, Brent Scowcroft et Zbigniew Brezinski, co-auteurs de la "Déclaration bipartite" ont souligné la nécessité de compléter leur proposition par la participation d'une force multinationale de maintien de la paix.

C’est dans ce contexte que le JCPA-CAPE a pris l'initiative d'examiner à l'aide de chercheurs juridiques, spécialistes de la perspective israélienne, les différentes  possibilités d’établir une sorte de force multinationale  pour le maintien de la paix, dans le cadre d'un futur accord de paix israélo-palestinien. En voici des extraits de leur étude. Le texte intégral est disponible dans le site en anglais du JCPA.

 



Le calcul israélien : les risques face aux avantages.

 



 

Les deux modèles de base pour le maintien de la paix sont la force de maintien de la paix mandatée par l’ONU tel que la FINUL au sud Liban et celle d'une force multinationale comme celle installée dans le Sinaï suite aux accords de paix à Camp David. La question qui se pose est si l’adoption de l’un de ces modèles apporterait une contribution constructive aux relations de paix entre Israël et un Etat palestinien futur.

Le succès d’une mission pour le maintien de paix est directement lié en fonction du niveau de la confiance mutuelle existante, et de l'engagement et de la coopération des deux parties au conflit. Un renforcement de ces éléments aboutirait au succès de la mission.  

 

Les missions de paix ont particulièrement réussi dans l’accomplissement de leur mandat dans le cadre de conflits qui ont déjà été résolus. Les antagonistes dans un conflit ou dans un processus destiné à mettre fin au statut de belligérance devraient être conscients que toute mission de maintien de la paix renforce, certes, les aspects positifs, mais elle a également un certain potentiel de mettre en évidence et même d’aggraver les aspects négatifs. Elle peut même devenir une source de friction ou de cible et provoquer l'escalade.  

 



A. Le meilleur scénario


 

Ceux qui proposent une force de maintien de la paix dans le cadre de la résolution du conflit israélo palestinien,  devraient comprendre que cette force est destinée à être un élément important du statut final. Elle est proposée ni comme facilitateur de la résolution du conflit, ni comme zone tampon entre les parties en leur permettant de négocier dans un climat moins controversé. Cela semblerait offrir une base pour le succès du maintien de la paix.

 

Dans le meilleur des cas, suite à la résolution d’un conflit de parties engagées à une coexistence pacifique, l’exemple de la FMO, la Force multinationale dans le Sinaï, renforce considérablement les enjeux positifs. En effet, dans cette situation idéale, chacune des options de maintien de la paix offre plusieurs avantages. La confiance mutuelle, l’engagement de maintenir une paix viable, et la coopération   bilatérale contribuent directement au succès du maintien de la paix et peuvent servir de base pour améliorer la confiance mutuelle. Elles permettent également d’éviter certains écueils politiques. Du point de vue israélien, ce genre de force multinationale est également préférable dans la mesure où Israël a tendance à ne pas considérer les Nations-Unies comme une tribune particulièrement accueillante. La possibilité que cette force puisse recevoir ses ordres conformément au consensus politique des Etats membres des Nations Unies, pourrait être considérée par Israël comme une cause d’inquiétude.

Cependant, les Palestiniens pourraient considérer les Nations Unies comme une instance favorable et un soutien à leur cause et donc ils préféreront probablement  l’option onusienne. Cette éventualité est également préférable pour les Palestiniens pour pouvoir obtenir une reconnaissance et une " légitimité internationale",  importante aussi bien  sur le plan politique que sur le plan pan-arabique.    

 

La question essentielle  pour Israël est de savoir préalablement quelle sorte de force servirait le mieux le maintien de la paix, tout en gardant à l’esprit des facteurs  majeurs tels que la proximité des frontières des centres urbains et la perception de cette force par le public israélien.

Il existe évidemment une troisième option comme celle engagée dans le traité de paix israélo-jordanien. Dans ce cadre, les parties se basent sur des relations sécuritaires fondées sur une "confiance mutuelle et des intérêts communs". Elle est fondée également sur une consultation permanente  et un mécanisme de liaison pour pouvoir traiter des questions en cours et de mettre en œuvre leur implication sans la participation d’une partie tiers. Cet arrangement semble être un succès important.



B. Le scénario le plus dangereux

 

Alors que l'avenir ne peut être prédit avec précision, le passé et la réalité actuelle peuvent servir comme base de suggestion pour certains scénarios possibles dans le cade d'un futur accord avec les Palestiniens. Parmi les facteurs nuisibles à un éventuel traité nous pouvons mentionner les éléments suivants:

 

(1) le gouvernement de l’Autorité palestinienne ne peut être engagé sans réserve à des relations pacifiques en raison  d'intérêts internes et politiques.

(2) Le Hamas ou d’autres opposants à l’accord de paix s’opposeront violemment au gouvernement palestinien.

(3) Le Hamas ou d’autres opposants à l’accord de paix continueront à opérer contre Israël.

(4) Les blocs des implantations israéliennes ou les enclaves qui resteront au sein du territoire de l’Etat palestinien futur deviendront une cible par les saboteurs de la paix.

(5) Les opposants israéliens à l’accord de paix tenteront de réaffirmer leur présence dans les zonés évacuées.

(6) Les opposants israéliens à l’accord de paix tenteront de s'opposer violemment à l’Etat palestinien.

Chaque scénario doit être considéré dans le cadre des mesures de sécurité appropriées qui devront être appliquées dans  tout accord de paix.

Dans une situation où la partie palestinienne n’est pas entièrement en mesure de maintenir des relations de paix, la possibilité d’établir une entente comme celle existante avec les Jordaniens est donc exclue. Une telle situation ne produirait pas non plus une bonne  coordination et une coopération nécessaire à l’établissement d’une force multinationale. Une mission pour le maintien de la paix mandatée par les Nations-Unies et opérant dans une situation délicate et explosive ne pourra réussir. L’ampleur de l'échec de sa mission serait largement dictée par le manque d’engagement palestinien et de l’intensité de l’activité des saboteurs.

La présence éventuelle de saboteurs agissant contre le gouvernement en place  au sein du territoire de l’Etat palestinien soulève des considérations supplémentaires.

Il est important de savoir comment agira le gouvernement palestinien  contre les saboteurs de la paix. S'il souhaite employer la force contre ses adversaires, il préférera la présence d’une force multinationale. Ainsi, avec ses propres forces de sécurité, il agira en pleine coopération, partageant les renseignements, et la direction des opérations. Cette mission mandatée par les Nations-Unies pourrait à la rigueur être considérée comme favorable dans ces circonstances. Une telle force de paix, gérée indépendamment par un commandement des Nations Unies pourrait, du moins à un certain degré, libérer le gouvernement palestinien de toute « collaboration » dans la lutte contre les autres groupes palestiniens. Ce désengagement ne pourra être perçu  favorablement par Israël. La présence d’une force des Nations-Unies ne pourra pas apaiser nos problèmes de sécurité et les expériences du passé le prouvent.

 

En outre, dans leur volonté d'être crédible, les Etats membres acceptent en sorte le risque de pertes humaines, mais en raison de leurs missions difficiles, ils deviennent plus réticents. L’expérience du passé et la possibilité que les observateurs de la paix pourront devenir des cibles créent un obstacle majeur.

Dans ce contexte, il est peu probable qu’Israël accepte de renoncer à ses droits d’auto défense, de confier la protection de ses citoyens à un corps étranger, et dans un aucun cas compromettre sa souveraineté.

 

La présence de toute force multinationale, agissant de concert avec Israël et destinée à empêcher des infiltrations et pourrait constituer un élément positif mais à la fois  présente un  obstacle à une opération israélienne effective. Toutefois, la possibilité que le mandat d’une telle force permet d’agir contre les saboteurs de la paix au sein du territoire palestinien pourrait être considérée comme un avantage. Un tel mandat, s’il s'avère efficace, pourrait éviter le scénario problématique selon lequel des forces israéliennes violeront la souveraineté palestinienne en pourchassant les menaces terroristes. Idéalement toutefois, il semblerait préférable qu’Israël et l’Etat palestinien agissent de concert dans ce domaine, d’une manière similaire au modèle israélo jordanien.

Dans tous les cas, l’idée d'offrir la sécurité des Israéliens directement sous le patronage des Nations Unies ou de la confier à une force  multinationale ne serait vraisemblablement pas acceptée en ce qui concerne la politique intérieure israélienne.

Dans le cas des tentatives israéliennes de réaffirmer une présence israélienne ou juive, dans les implantations évacuées, ou dans les  sites religieux, telle que la tombe de Joseph, l’expérience a montré que les confrontations peuvent devenir violentes. Du point de vue israélien, de tels incidents devraient être traités de préférence par les services de sécurité.

En effet, il convient de noter que l’article XVII de l’accord intérimaire souligne que les questions qui seront négociées dans les pourparlers du statut permanent : "Jérusalem, les implantations, les zones militaires spécifiques, les réfugiés palestiniens, les frontières, les relations extérieures et israéliennes" seront basées sur  un arrangement juridique qui n’impliquerait pas des acteurs étrangers. Actuellement, les Israéliens qui entrent dans les zones sous le contrôle complet de l’Autorité palestinienne traitent directement avec les autorités de sécurité palestiniennes, et souvent en coopération avec les autorités israéliennes. Pour  exemple, en février 2010 dans l’ancienne synagogue à Jéricho la police palestinienne sur les lieux a permis à la police des frontières israéliennes de disperser par la force et d’arrêter les manifestants israéliens ».


 

Conclusion

 

La sagesse indique que le succès d’un accord de paix entre Israël et un Etat palestinien futur envisage nécessairement le soutien de la présence d’une mission internationale pour le maintien de la paix. Cette étude a fait le bilan des succès relatifs et des échecs des missions de maintien de la paix dans la région depuis la création de l'Etat d'Israël en 1948. Elle a également examiné les principaux facteurs qui semblent contribuer aux perspectives de succès ou d’échec. Sur cette base, les auteurs ont considéré les avantages et les inconvénients des différentes options de maintien de la paix à la lumière de la panoplie de facteurs qui peuvent entrer en jeu dans les différents scénarios dont les plus dangereux pour la sécurité d'Israël et de la région.

 

Bien que l’hypothèse à ce jour fût que la force de maintien de paix soit un élément essentiel pour mettre fin au conflit, les auteurs de cette étude pensent différemment. Certes, des missions de maintien de la paix ont réussi dans certaines situations, mais elles ont aussi échoué dans d’autres. Toutefois, ils pensent que le maintien d'une paix bilatéral viable s’est avéré efficace le long de la frontière israélo-jordanienne, ainsi que la coopération sécuritaire le long de la frontière israélo-égyptienne. Il est clair que les arrangements bilatéraux de sécurité vont dans le bon sens et donc ils suggèrent de les élaborer avec sérieux dans le cas palestinien pour pouvoir mettre fin au conflit et consolider les accords signés.