L'auteur est professeur à l'Université du Québec.

La nouvelle donne au Moyen-Orient est le rôle agissant de la Turquie. Lorsque le nouveau parti islamiste présidé par Recep Tayyip Erdogan a remporté un vote électoral majoritaire, toutes les assurances de modération ont été données en vue de calmer les inquiétudes du monde occidental.

Jusque-là, la Turquie avait vécu la laïcité complète depuis la fondation de l'État moderne de Turquie par Mustapha Kemal-Ataturk. Toutefois, un glissement lent mais permanent montre que le gouvernement actuel se distance de plus en plus de l'image de modération qu'il a voulu projeter à son arrivée au pouvoir.

D'une part, la Turquie a pris partie contre les États-Unis dans le dossier irakien. De l'autre, elle s'affiche de plus en plus ouvertement avec l'Iran jusqu'à tenter de lui donner caution dans l'épineux dossier nucléaire. Enfin, les médias officiels s'en prennent avec une violence inouïe à Israël jusqu'à en faire un ennemi déclaré et les docudrames télévisés ont recours à des falsifications grossières et des allégations de nature antisémite. La Turquie laïque et Israël avaient jusque là forgé une alliance solide. En s'attaquant de la sorte à Israël, le gouvernement s'en prend indirectement aux laïcs qui ont eu d'excellentes relations avec ce pays.

Dans la flottille en route pour Gaza, se trouvaient bon nombre d'extrémistes turcs membres de l'association humanitaire à tendance islamiste, connue par son sigle IHH. Des armes et des explosifs avaient été découverts par les autorités turques en 1997. Dans une publication de l'Institut international de recherches au Danemark (International Studies Danish Institute), cette organisation a été accusée de faire du recrutement pour le djihad en 2006. Selon l'expert de la lutte antiterroriste français Jean Louis-Bruguière, cette organisation n'est qu'une couverture pour la conscription de djihadistes pour Al-Qaeda.

En laissant une telle organisation s'impliquer aussi ouvertement, le gouvernement turc devait être pertinemment conscient que la violence serait bel et bien présente dans les développements ultérieurs de la flottille en route pour Gaza.

Cette manipulation s'est faite au détriment d'Israël, des Palestiniens, des pacifistes convaincus d'agir pour une cause humanitaire et de la Turquie.

Pour Israël comme pour l'Égypte, le blocus de Gaza vient arrêter l'infiltration d'armes meurtrières en provenance de l'Iran, tout comme cela a été fait au Liban. Israël se doit d'inspecter les convois humanitaires avant de les transmettre. En aucun cas, un pays ne peut permettre de laisser des organisations tirer impunément des roquettes sur des populations civiles, et des mesures s'imposent. Les médias en font des gorges chaudes...

Pour les Palestiniens, ils ont longtemps fait l'objet d'instrumentalisation de la part des dictateurs de la région, et le sont encore par l'Iran qui leur fait miroiter des solutions radicales. À Gaza, le Hamas joue le jeu de l'Iran qui fait tout pour torpiller tout accord de paix en perspective, politique qui n'a rien apporté aux Palestiniens au cours des dernières décennies. Or, l'instrumentalisation continue.

Pour les pacifistes convaincus d'agir pour une noble cause, ils ne s'attendaient sûrement pas à être l'otage d'extrémistes. Leur bonne volonté a été détournée à d'autres fins.

Pour la Turquie qui s'est vu fermer l'accès à l'Union européenne, l'emprise grandissante des islamistes ne laisse guère présager une coexistence harmonieuse. Les exemples de la dictature iranienne ou celui d'une Algérie en guerre civile ont de quoi faire réfléchir.

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