Les quartiers arabes de Jérusalem-Est ne sont pas plus saints que tout autre village des Territoires. Des slogans défraîchis ne nous mèneront nulle part.

Malgré quatre années de construction intensive de logements juifs à Jérusalem-Est, la population juive de la ville a chuté de 74 % en 1967 à 65 % aujourd'hui. Si les Israéliens ont été prompts à construire, les Palestiniens les ont battus en matière de natalité.

La réponse du Premier ministre Binyamin Netanyahou : ignorer la solution évidente à cet épineux problème démographique et proclamer Jérusalem "ville unifiée, capitale éternelle du peuple juif". Un slogan qu'il tente de faire passer pour une plate-forme politique.

Les frontières de la Jérusalem d'aujourd'hui n'ont pas été fixées par la Bible, mais par une poignée de fonctionnaires et un général, Rehavam Zeevi. Ceux-là mêmes qui composaient le comité gouvernemental en charge du plan d'annexion au lendemain de la guerre des Six-Jours.

En annexant 70 km2 de territoire jordanien, dont six seulement faisaient partie de la Jérusalem jordanienne, ils ont été guidés avant tout par des considérations de sécurité - l'inclusion d'un maximum de terrains en hauteur peuplés d'un minimum d'Arabes - plus que par des idéaux historiques. Le territoire annexé, grâce auquel Jérusalem a vu sa taille tripler, était presque entièrement rural et comprenait des terres de 28 villages arabes. Mais surtout la Vieille Ville, site millénaire de la capitale d'Israël et point de mire des prières juives, qui s'étend sur moins d'un kilomètre carré.

"La capitale éternelle", entendez par ces beaux mots que tout ce qu'Israël fait à Jérusalem-Est est justifié par la souveraineté qu'a bien voulu lui accorder l'Histoire. Et cela, même si dans l'antiquité, la Jérusalem juive ne représentait qu'à peine 2 % de Jérusalem-Est.

Sortir de l'euphorie post-1967

Israël peut tenter de justifier l'annexion des territoires en termes d'intérêt national. La guerre de 1967 a été déclenchée par la Jordanie dans le cadre d'une alliance panarabique dont la victoire aurait signifié la destruction du jeune Etat juif. Israël peut faire valoir le droit de redessiner des frontières, après une guerre défensive, comme les puissances européennes l'ont toujours fait.

Mais la rhétorique quasi-religieuse employée par Netanyahou, son argument implicite du caractère saint de la capitale, fige les esprits et entrave l'aboutissement à des issues pratiques.

Il faudra une certaine dose d'imagination diplomatique pour trouver une solution politique à la Vieille Ville et à sa périphérie visuelle au sud et à l'est - trois kilomètres carrés en tout - dans les pourparlers de paix. En effet, le reste de ce qu'on appelle "Jérusalem-Est" n'est pas plus saint ou lié à "la Jérusalem éternelle" que tout autre village de Judée-Samarie.

Requadriller la ville pour le bien de tous

Netanyahou a raison lorsqu'il affirme que tous ses prédécesseurs, depuis 1967, ont déjà, avant lui, cherché à étendre la présence juive à Jérusalem-Est. En tentant d'utiliser les mêmes slogans. Pour ne citer que deux leaders récents : Ehoud Barak et Ehoud Olmert, qui s'étaient rétractés à la fin de leur mandat et avaient appelé à inclure les quartiers arabes de Jérusalem dans l'Etat palestinien.

Ce faisant, ils avaient reconnu que les temps avaient changé, que, sans compromis sur Jérusalem, il n'y aura pas de paix, et que les Palestiniens avaient des revendications légitimes sur la ville. Ils avaient reconnu également que le principal souci d'Israël n'était pas territorial mais démographique.

Céder les quartiers arabes revient à éloigner 270 000 (et plus) Arabes de Jérusalem-Est de tout clivage politique à venir, plutôt que de garder une population mécontente à l'intérieur d'Israël, qui pèsera de plus en plus sur la majorité juive en voie de disparition.

Mais Netanyahou, lui, continue d'insister pour garder les quartiers arabes, parce qu'ils sont "Jérusalem". Sans parler du fait que sous sa garde et celle du maire actuel, Nir Barkat, des groupes de Juifs extrémistes du camp national-religieux ont frappé au cœur des quartiers arabes, comme Sheikh Jarrah. Une façon d'assurer pour de bon la pérennisation du conflit.

Suite à la peur existentielle qui avait envahi le pays à la veille de la guerre des Six-Jours et à la victoire spectaculaire qui a suivi, même les Israéliens laïcs se sont joints aux "Hiérosolomytains". Un engouement mû, non par la prière ou la contemplation silencieuse, mais par la volonté de posséder chaque parcelle du territoire estampillé "Jérusalem".

Toutefois, ni les intérêts vitaux israéliens ni la communauté internationale ne pourront tolérer indéfiniment le statu quo actuel.

Le temps est venu de trouver des solutions qui permettront aux deux populations disparates de vivre dans le respect mutuel, côte-à-côte, et non dans une artificielle "ville unie".

N'ayez crainte, la redistribution de la ville ne signifie pas un retour aux frontières pré-1967, vu les changements sur le terrain, comme la construction de quartiers juifs dans plus d'un quart de Jérusalem-Est. Mais elle permettra aux Palestiniens de planter leur drapeau avec dignité sur un lopin de terre qu'ils pourront eux aussi appeler Jérusalem (al-Quds). Un nom pour lequel on peut mourir, mais, soyons fous, pour lequel n'est-il pas préférable de vivre.

L'auteur a écrit The Battle for Jerusalem (la bataille pour Jérusalem), sur la guerre de 1967. Il a été pendant une décennie la plume hiérosolomytaine du Jerusalem Post.

© 2008 Le Jerusalem Post édition Francaise