Maître de la bande de Gaza, le Hamas est pris en chasse en Cisjordanie. Une guerre larvée se joue entre le Fatah, dirigé par le président Mahmoud Abbas, et le mouvement de résistance islamiste. Menaces, arrestations, torture : les membres du Hamas se disent persécutés par leurs frères ennemis. La tension se propage jusque dans les universités où des émeutes meurtrières ont éclaté l'été dernier. Reportage à Naplouse, forteresse du Hamas.

Le calme régnait lundi dernier à l'Université An-Najah, dans la ville de Naplouse, au nord de la Cisjordanie. Du moins en apparence. Des jeunes hommes aux cheveux gominés sortaient de classe, leur téléphone portable à la main. Leurs consoeurs, voilées pour la plupart, discutaient deux par deux, leurs livres collés sur la poitrine.

Mais les détecteurs de métal à l'entrée du campus racontaient une autre histoire: l'établissement, qui accueille 16 000 étudiants, s'est transformé en champ de bataille entre le Fatah et le Hamas.

Le 25 juillet, l'université a été le théâtre d'affrontements entre partisans des deux factions. Des sbires ont attaqué des étudiants qui distribuaient des brochures anti-Fatah sur le campus. Un étudiant, Mohamed Radan, a été tué par balle. C'était un jeune islamiste bien connu qui vivait selon les principes de la charia.

Hani Ibrahim, chauffeur de taxi, a assisté à l'émeute. «Partout où je regardais, des gens se battaient avec des couteaux, même avec des chaises. C'était une scène de guerre.»

La police, tenue en laisse par le parti de Mahmoud Abbas, n'a pas identifié l'assassin. L'affaire a rapidement été classée.

Les universités de Ramallah et de Hébron ont été secouées par des incidents similaires l'été dernier.

Baril de poudre

Il faut dire que la relève du Hamas se porte bien chez les jeunes Cisjordaniens. Aujourd'hui, 27% des adultes âgés de 18 à 30 ans se considèrent pro-Hamas contre 6% en 2000. De son côté, le Fatah a perdu des plumes chez ce groupe, récoltant 36% des appuis au lieu de 47% il y a sept ans.

Depuis le jour noir, les jeunes de Naplouse doivent déposer leurs armes avant d'entrer en classe.

«Nous sommes assis sur un baril de poudre. Chaque fois que ça barde à Gaza, l'atmosphère est plus tendue dans les cours», dit Haydam Youssef, professeur d'économie.

Chez les étudiants, chaque clan accuse l'autre de semer le trouble.

«Ils font de la propagande alors que les activités politiques sur le campus sont interdites», dit Mohammed Qinne, membre de la brigade Al-Aqsa, affiliée au Fatah, pour qui les islamistes sont des «racistes» et des «extrémistes».

«Ils ont reçu l'instruction de Gaza de déclencher des révoltes dans les universités de la Cisjordanie, dit le jeune homme de 23 ans. Nous ne voulons pas un autre coup d'État ici.»

Il affirme que certaines filles pro-Hamas étaient armées le jour des émeutes.

«Foutaise», répond Sana Mohamed.

«Nous protestions pacifiquement lorsque les brutes de la brigade Al-Aqsa nous ont attaqués», dit la jeune étudiante voilée.

«Un seul mouvement politique est banni du campus: le nôtre», ajoute-t-elle avant de s'interrompre soudainement. Un groupe de jeunes hommes s'approche de nous et la regarde d'un air menaçant. Sana tourne les talons et s'enfuit en baissant la tête.

Cette tension explosive dans les universités est du jamais vu, croit le politologue Hani Al-Masri. «Ces jeunes ont vu le Fatah au pouvoir presque toute leur vie. Or, leur situation ne s'est pas améliorée et l'État palestinien ne s'est toujours pas concrétisé. Ceux qui en ont ras le bol voient le Hamas comme leur dernière chance.»

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