Londres

Protégée par des grilles vertes, l'Académie du roi Fahd, une école musulmane de l'ouest de Londres, a ces jours-ci des airs de forteresse retranchée. Des policiers patrouillent ses abords alors que toutes les entrées sont surveillées de près par des employés de l'établissement.

«Vous ne pouvez pas rester ici.» Gentiment mais fermement, les policiers expliquent qu'ils ont été déployés pour s'assurer que personne ne traîne aux abords de l'école. « C'est à cause de ces accusations de racisme et des tensions que cela suscite», précise un des deux bobbies.

Quelques minutes plus tôt, des employés de l'établissement financé par la famille royale saoudienne étaient déjà venus me mettre en garde: « N'insistez pas pour parler à des parents s'ils ne veulent pas parler et ne posez surtout pas de questions aux enfants.» La raison de tout ce branle-bas de combat? Un ancien professeur de l'école - qui prétend avoir été renvoyé injustement - a révélé plus tôt cette semaine que l'établissement utilise des livres scolaires qui comparent les juifs à des singes et les chrétiens à des cochons.

Produits par le ministère de l'Éducation de l'Arabie Saoudite - un pays réputé pour son conservatisme religieux -, ces manuels scolaires invitent notamment les étudiants à « nommer les caractéristiques répugnantes des juifs».

Pages expurgées

Admettant que ces manuels étaient bel et bien utilisés dans l'établissement, la directrice Sumaya Alyusuf a toutefois assuré que « les pages controversées de ces livres ne sont pas enseignées à l'Académie «. Après avoir plaidé que ces passages avaient été cités hors contexte et que l'école fait la promotion de «l'interculturalisme», la directrice a quand même fini par céder devant la controverse. Elle a annoncé que l'école allait retirer les chapitres litigieux.

Paradoxalement, aucun des parents rencontrés à l'école n'a condamné l'utilisation de ces manuels. Au contraire, plusieurs ont plutôt accusé les médias britanniques de racisme parce qu'ils avaient rapporté cette histoire.

«C'est une guerre contre l'islam. Ce qui est écrit dans ces livres réfère au passé, quand il y avait des conflits entre musulmans, juifs et chrétiens», explique Mohamed Salmi, qui accompagnait son fils à la garderie de cette école, qui accueille 600 élèves âgés de 5 à 18 ans.

Également très critique des médias britanniques, Mustapha Bouyardan était toutefois moins catégorique. S'il avait été à la place de la direction de l'école, il n'aurait pas utilisé ces livres. « C'est donner des munitions aux gens qui veulent donner une mauvaise image des musulmans «, explique le père de deux enfants.

Conservatisme rétrograde

Natif du Maroc, l'homme reconnaît que le conservatisme des Saoudiens peut parfois être rétrograde. « Je ne dirais pas que ce sont des fanatiques, mais ils interprètent mal l'islam. Ils vivent dans le passé. « Prônant une version très rigoriste de l'islam, les Saoudiens ont rarement bonne presse en Angleterre. On leur reproche de former des imams aux idées extrémistes. Un projet de grande mosquée dans l'est de Londres est actuellement très débattu parce qu'une bonne partie du financement pourrait provenir d'Arabie Saoudite.

Rahena El-Rayes, qui vivait au Canada avant de s'installer en Grande-Bretagne, refusait toutefois de croire que l'école puisse avoir fait preuve d'intolérance. « Je n'ai jamais vu ces livres, mais en tant que parent je n'ai jamais vu de racisme dans cette école. Ma fille a une enseignante chrétienne qui porte une croix et personne ne l'embête avec ça.»

Le sous-ministre responsable des établissements scolaires britanniques, Jim Knight, a ordonné jeudi dernier l'ouverture d'une enquête sur l'école.

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