Paris

Le Parlement européen a adopté hier, par une forte majorité, un rapport qui met en cause 14 pays européens pour leur rôle présumé dans le programme de « renvoi extraordinaire » de la CIA.

« C'est un document qui ne permet à personne de détourner la tête. Nous devons veiller à ce que les événements survenus (en sol européen) depuis cinq ans ne puissent se reproduire », a déclaré le député socialiste italien Giovanni Fava, qui préside la commission parlementaire chargée d'enquêter sur ce dossier.

Le rapport « condamne... l'acceptation et la dissimulation, à plusieurs occasions, par les services secrets et les autorités gouvernementales de certains pays européens » des actions de la CIA.

L'agence américaine est accusée d'avoir enlevé et transféré illégalement vers des centres de détention secrets de présumés terroristes pour les soumettre à des interrogatoires musclés.

La commission, qui épingle notamment la Grande-Bretagne, l'Allemagne et l'Italie, affirme qu'au moins 1245 vols organisés par les services de renseignements américains ont traversé l'espace aérien européen de 2001 à 2005.

Comme Maher Arar

Le président américain George W. Bush a reconnu en septembre 2006 que son administration avait autorisé la CIA à utiliser des prisons secrètes pour interroger de présumés terroristes. Il nie cependant que des détenus aient pu y être torturés.

« La lutte contre le terrorisme ne peut pas être gagnée en sacrifiant ou en limitant les principes que le terrorisme vise à détruire », souligne le Parlement européen, qui presse les pays membres ne l'ayant pas encore fait de resserrer leur contrôle sur les activités des services de renseignements.

L'intervention survient alors que se multiplient les développements juridiques en Europe relativement au programme de la CIA.

La justice allemande a annoncé, il y a deux semaines, que des mandats d'arrêt avaient été lancés contre 13 personnes soupçonnées d'avoir enlevé en 2003 l'homme d'affaires Khaled el-Masri. La plupart des personnes mises en cause sont domiciliées en Caroline du Nord et travaillent « très vraisemblablement » pour les services de renseignements américains.

M. el-Masri, ressortissant allemand de 43 ans, avait été appréhendé en Macédoine et transporté en Afghanistan, où il affirme avoir été battu et harcelé pendant plusieurs mois en prison avant d'être relâché, sans document, en Albanie.

Silence à Ottawa

La justice italienne a aussi lancé récemment des mandats d'arrêt contre 26 agents de la CIA qui sont mis en cause dans l'enlèvement de l'ex-imam de Milan, Abu Omar. Il avait été transféré en Égypte après avoir été enlevé dans la rue. Relâché la semaine dernière, il a annoncé qu'il entendait intenter une poursuite de 10 millions contre l'ex-premier ministre Silvio Berlusconi.

Ces cas rappellent celui du Canadien d'origine syrienne Maher Arar, appréhendé en 2002 dans un aéroport new-yorkais et transféré en Syrie pour être questionné et torturé. M. Arar vient de recevoir une compensation financière de neuf millions de dollars du gouvernement canadien.

Une enquête menée par l'Agence des services frontaliers du Canada avait révélé en 2006 que 20 appareils qu'on présume liés à la CIA ont fait escale au pays depuis les attentats du 11 septembre 2001.

Ottawa affirme n'avoir aucune indication que ces vols aient pu servir à des activités illégales. Les gouvernements libéral et conservateur des dernières années ont refusé de demander des clarifications à ce sujet au gouvernement américain.

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